Le dispositif Atelier Climatique Citoyen : une illusion participative ?

« L’expérience Artivistes-atelier, l’illusion participative ? »

 

Colloque International GIS Démocratie et Participation, à la MSH Paris Nord : «  Les expérimentations démocratiques aujourd’hui : convergences, fragmentations, portées politiques »

Janvier 2017

 

Lionel Scotto d’Apollonia

Sous-directeur GDR PARCS

LIRDEF (Université Montpellier)

lionel.scotto@fde.univ-montp2.fr

 

Davia Dosias-Perla

Experte environnementale auprès des collectivités

Membre du GDR PARCS

davia.dosias.perla@live.fr

 

« […], la plupart des approches développées dans le champ de l’environnement […] reviennent en dernière analyse à instituer comme système d’action pour remédier à un problème environnemental le même système d’action qui porte en lui, souvent profondément inscrites, les causes de ce problème et l’impuissance ou la réticence à les résoudre » (Mermet et al., 2005).

 

« Accord de Paris, objectif 2°C …. Au-delà des discours, des textes, l’Atelier Climatique Citoyen offre de belles perspectives d’adhésion du plus grand nombre dans notre pays, dans nos territoires. Sensibilisation, concertation en sont des approches incontournables tout autant que l’art et culture en seront aussi de formidables vecteurs » (Jouzel, Parrain de l’Atelier Climatique Citoyen)

 

 

 

Après l’accord Paris-Climat 2015 et la vague d’enthousiasme soulevée, il reste maintenant à le mettre en application au niveau national et à l’échelle des territoires. Parmi les nombreuses initiatives, un collectif C40, le Cities Climate Leadership Group[1], réfléchit sous l’égide de l’ONU aux solutions que les grandes villes ou capitales mondiales peuvent apporter dans la mise en application de l’accord. L’Etat français ou encore la Mairie de Paris cherchent à s’octroyer le leadership climatique à l’échelle mondiale. Laurence Tubiana, ambassadrice pour le compte du gouvernement français lors de la COP21, a été nommée fin 2016 directrice de la Fondation européenne pour le climat (European Climate Foundation). Cependant à y regarder de près, i.e. au-delà des effets de loupes médiatiques, la mise en cohérence de l’accord se heurte à de nombreux obstacles dont au moins deux d’entre eux apparaissent particulièrement problématiques : la mobilisation citoyenne et la mise en place de politiques ayant un effet concret permettant de dépasser les enjeux communicationnels. Ce chalenge social, ce défi climatique (Jouzel, 2014) s’avère particulièrement complexe pour les pouvoirs publics, les Etats ne pouvant agir sans la mobilisation de ladite « société civile ». Sur le plan de recherche apparaissent plusieurs questions : Quels sont les freins et les leviers permettant une réelle mobilisation citoyenne ? Quels sont les indicateurs pertinents permettant d’évaluer les niveaux d’engagement et de mobilisation des citoyens ? Quelles sont, dès lors qu’il s’agit de passer à une phase de mise en application de l’accord, les attentes et représentations citoyennes concernant les questions climatiques ? Comment intégrer par des dispositifs innovants le citoyen dans les décisions collectives ? Quelle est l’efficacité des politiques publiques concernant la mise en application de l’accord national ? Pour que le dispositif de recherche s’avère opérant, il est nécessaire d’établir un diagnostic pertinent de la gestion des questions climatiques prenant en compte l’ensemble des catégories d’acteurs (y compris et en premier lieu, les citoyens capables d’induire les changements appropriés). Or le système d’action visant à mettre en application l’accord de Paris se heurte à la difficulté de définir de façon collective et concertée les ou des indicateurs pertinents d’efficacité (Monnier, Duran, 1992) concernant les politiques publiques à mener. En effet, ces indicateurs doivent prendre en compte les perspectives dynamiques et transformatives d’autres systèmes d’actions dont les effets mobilisent différentes échelles de temps et d’espaces, mais aussi être socialement acceptés afin de pérenniser les actions.

Cet article présente un dispositif hybride, L’Atelier Climatique Citoyen, associant la Recherche Action Participative (RAP) (GDR CNRS PARCS) et le secteur associatif (Artivistes-atelier) visant à répondre à ce double déficit d’implication citoyenne et d’outil d’accompagnement des collectivités dans la mise en application de l’accord Paris Climat 2015. L’article reprend les grandes lignes de la communication faite lors du Colloque International GIS Démocratie et Participation en janvier 2017 concernant ce projet participatif d’accompagnement des politiques publiques qui s’insère plus généralement dans d’autres questions socio-environnementales. Dans une première partie, cet article retrace (1) la genèse de L’Atelier Climatique Citoyen qui s’enracine dans la problématique climatique et notamment les aspects liés aux questions sociopolitiques et fait le bilan des limites de deux premiers pré-dispositifs élaborés : L’Arbre à Palabres Climatique et de De murs en rubans : Rue du climat. (2) La deuxième partie, explicite comment L’Atelier Climatique Citoyen agit comme un marqueur pertinent quant à l’analyse des attentes citoyennes et leur prise en compte dans l’application des politiques climatiques à l’échelle des territoires. Les premiers résultats permettent de mettre au jour une partie des contraintes de mise en application à l’échelle des territoires, qui en retour nourrissent l’ingénierie du dispositif en recherche action participative mettant en synergie, les citoyens, le monde de la recherche, le milieu associatif et les collectivités locales (élus et services techniques et administratifs). (3) La troisième partie détaille les questions de recherche soulevées en se focalisant sur celles apparaissant comme les plus pertinentes ainsi que l’outillage analytique développé. En guise de conclusion, l’article fait le bilan des premiers résultats en s’appuyant sur un cas concret de projet liant la qualité de l’air extérieur et des questions climatiques. L’originalité de ce dispositif de recherche est d’agir simultanément d’une part comme un outil d’aide et d’accompagnement des politiques publiques et d’autre part dans sa dimension résolument réflexive comme un marqueur des difficultés de déploiement à l’échelle des territoires de nouveaux modes de concertation. En outre, l’article permet de mettre en perspective les contraintes inhérentes à la structuration de ce qu’il est convenu d’appeler le mille-feuille institutionnel et d’identifier certains freins et leviers. Il permet de soulever un profond paradoxe entre les politiques publiques visant à afficher une volonté d’atteindre des objectifs ambitieux ou quasi irréalistes (suivant le niveau de subjectivation des acteurs) de l’accord Paris Climat 2015 (+1,5°C) et la réelle capacité d’action se heurtant à l’absence d’analyse des réformes structurelles à conduire pour délier le mille feuille institutionnel et d’une réflexion de fond sur les changements sociaux qu’elles impliquent. A l’heure actuelle, il apparait un véritable hiatus d’opérativité des politiques climatiques nécessitant un véritablement changement de paradigme définissant un contrat social climatique ne pouvant s’opérer sans un engagement citoyen massif dont le rôle reste encore trop limité à un exercice de cosmétique institutionnel.

 

  1. Des écueils de l’Arbre à palabres climatiques, le succès de Murs en rubans, Rue du climat à la structuration de l’Atelier Climatique Citoyen.

 

  1. Retour d’expérience sur L’arbre à palabres climatiques (mai 2014 – décembre 2015)

Inspiré de la tradition africaine, l’Arbre à Palabres climatique est un dispositif de mobilisation citoyenne conçu à la suite des travaux de recherche effectués lors de la thèse par Lionel Scotto d’Apollonia (2014). L’Arbre à Palabres climatique était conçu afin de permettre d’aborder l’ensemble des enjeux issus des débats citoyens portant sur les questions climatiques dont les ramifications touchent l’ensemble des questions écologiques comme celle de la biodiversité ou encore environnementales comme les problématiques énergétiques du nucléaire ou des gaz de schiste. Il s’appuyait sur les outils de la recherche action participative. Ainsi, le projet visait à mettre en synergie, pour mieux les interroger, certaines initiatives citoyennes autour des problématiques climatiques par l’organisation de débats participatifs avec différents acteurs, citoyens du Monde, chercheurs, personnages politiques, journalistes, membres associatifs ou d’ONG.

Or ce dispositif, bien qu’en apparence opérationnel, par son côté esthétique a très vite montré ses limites. Au-delà de l’enthousiasme et de l’intérêt suscité, bien que le dispositif ait touché un nombre de personnes très important, notamment lors de manifestation comme la foire aux associations de Montpellier, la mobilisation et l’engagement ont été somme toute très limités. De plus les acteurs manifestant un réel intérêt étaient pour la plupart déjà sensibilisés et prêts à se mobiliser sur les questions socio-environnementales. En réifiant un entre-soi, le dispositif n’a donc pas permis de toucher le grand public et les personnes a priori moins concernées par ces questions. Il représente tout au plus un outil intéressant visant à interroger différemment ou de façon complémentaires les représentations sociales par rapport aux études menées par exemple pour le compte de l’ADEME (Boy, 2015).

 

  1. Le Street art vecteur de mobilisation : De murs en rubans : Rue du climat (12 octobre 2015)

Partant de ce bilan plutôt mitigé, le projet de L’Arbre à palabres climatique, s’est associé avec un projet citoyen De murs en rubans : Rue du climat, lors du passage du train du Climat (le 12 octobre 2015 organisé par la SNCF reprenant l’initiative d’un groupe de chercheurs toulousains notamment Catherine Jeandel et Serge Planchon avec la participation d’un grand nombre de chercheurs dont Hervé Le Treut et Valérie Masson-Delmotte pour ne citer que les climatologues les plus médiatiques). La grande originalité du projet De murs en rubans : Rue du climat conçu et développé par Davia DOSIAS PERLA, experte auprès des collectivités sur les enjeux socio environnementaux de développement des territoires, est de s’appuyer sur le Street Art afin de créer des œuvres monumentales interpellant les habitants lors d’une journée spécialement dédiée. La réalisation et la création d’happenings artistiques dans la rue, à partir de collages et peintures réalisés par des Street artistes sur des thèmes climatiques adaptés aux spécificités locales ont permis d’interpeler un très grand nombre de citoyens. Au cœur de leur lieu de vie quotidien, les personnes en interagissant avec un animateur de rue ou l’artiste lui-même étaient invitées à échanger, réfléchir, voire participer à des ateliers participatifs de rue (à l’exemple du trottoir citoyen[2]). La mise en synergie des citoyens et des artistes devenant dans cet élan commun les Artivistes[3]. Ce projet agit comme une véritable inclusion du projet artistique et des implications démocratiques citoyennes. Elle permet de dynamiser une démarche territoriale pour mobiliser le plus grand nombre d’habitants d’un territoire en les replaçant dans la réflexion citoyenne. Ces échanges ont permis de sensibiliser un large spectre de citoyens et de leur donner la parole afin d’alimenter des prises de décisions et des réflexions citoyennes participatives.

L’expérience montre que le Street art s’avère un catalyseur de mobilisation et in fine représente un bel outil d’innovation sociale. En ce sens, digne héritier de l’éducation culturelle populaire de Jean Vilar, le Street art devient une nourriture aussi indispensable que le pain et le vin, un service public par sa capacité éducative, remodelant qui plus est le vivre ensemble. En mobilisant de façon transversale, les artisans, les commerçants à l’échelle d’un quartier (celui des beaux-arts de Montpellier) et les écoles, il a été possible de créer une réelle dynamique citoyenne. L’expérience De murs en rubans : Rue du climat a permis une forme d’intégration des cultures climatiques au cœur de la vie quotidienne des citoyens.

Pour résumer, d’un côté, le dispositif de l’Arbre à palabres climatique bénéficiait d’un outil analytique élaboré sans arriver véritablement à générer la mobilisation citoyenne souhaitée. De l’autre côté, inversement l’expérience De murs en rubans : Rue du climat permettait de mobiliser un très large public et générer des effets au moins à moyens termes sans pour autant bénéficier de l’outillage analytique de l’Arbre à palabres climatique. L’association des deux projets s’est donc faite « naturellement » et a donné lieu à la création du dispositif de l’Atelier Climatique Citoyen.

 

  1. Un double constat conduisant à un dispositif test et une inscription institutionnelle du dispositif Artivistes-atelier

 

Le dispositif de l’Atelier Climatique Citoyen décrit ci-après prend racine dans cette double expérience de terrain et répond donc, au risque de la répétition, d’une part au déficit de mobilisation citoyenne et d’autre part à la mise en place de politiques publiques efficaces.

  1. Le citoyen absent du débat…des institutions en silo

En effet, force est de constater que malgré les volontés répétées, les modalités de régulation de l’action politique peinent à intégrer véritablement la parole et les expériences citoyennes. Les conférences citoyennes comme celle organisée par l’IFOP pour le compte de la Mairie de Paris visant à faire de la ville lumière la « championne du monde du climat » s’avèrent dans les faits plus un exercice de cosmétique communicationnelle peu représentatif des attentes citoyennes et dont la valeur intégrative reste limitée. Lionel Scotto d’Apollonia est intervenu lors de la journée de formation du panel de citoyen en tant que sociologue expert sur les questions climatiques. La constitution d’un jury citoyen de dix neuf personnes malgré toute la rigueur de l’Institut IPSOS que la Mairie de Paris avait délégué pour rédiger une nouvelle charte citoyenne présente aussi de nombreuses limites et se heurte à la légitimité de la représentation de la parole citoyenne. En ce sens de façon réflexive, le dispositif de l’arbre à palabres climatiques qui malgré les limites exprimées précédemment permet d’objectiver le déficit de représentativité des acteurs impliqués dans la question climatique et les difficultés à analyser réellement les demandes citoyennes.

De plus il existe un décalage considérable entre les données chiffrées sur le climat et leur perception individuelle par la population. Ce décalage est d’autant plus difficile à combler qu’il s’inscrit dans un contexte où pèsent d’importants enjeux technico-économiques et constitue un frein à une approche collective « transparente » (ou réellement concertée) des problèmes. Malgré les nombreux efforts, la gouvernance climatique (Aykut, Dahan, 2015) peine à l’échelle nationale à s’ouvrir au plus grand nombre.

En ce sens, les premiers résultats d’enquête au regard de l’expérience de terrain soulignent que le citoyen reste largement absent d’un débat très technicisé et cantonné dans des réseaux fermés d’ingénieurs, de décisionnaires politiques et d’industriels. Les liaisons avec les acteurs locaux restent faibles. Aussi, la mise en application des politiques publiques en matière de climat malgré les différents plans d’actions, orientations stratégiques et l’Accord de Paris 2015, reste-t-elle très limitée et encore trop éloignée des objectifs de limitation des émissions de Gaz à effet de serre pour atteindre un seuil de 2°C. Il est ainsi possible de résumer ce double constat par le fait que les attentes citoyennes aux échelles locales, ce malgré la « mobilisation » de la société civile lors de la COP21 restent un point aveugle dans la mise en application des plans d’actions et politiques publiques sur les territoires.

De surcroît, en raison d’un système d’organisation des institutions très sectorisé, des procédures administratives cloisonnées et d’un mode de gouvernance complexe des politiques publiques territoriales (Dubois, 2009), ces champs n’ont que peu d’opportunité de travailler ensemble malgré une finalité bien commune : le bien-être, la qualité de vie et comme corolaire les questions de santé publique. Il est possible d’identifier deux principaux freins : la mobilisation citoyenne sur les enjeux de climat et le mille-feuille institutionnel dans la mise en œuvre des actions locales de l’Accord Paris Climat.

 

  1. Description du dispositif pilote de L’Atelier Climatique Citoyen

Pour répondre à ce déficit démocratique portant sur les questions socio-environnementales comme celles portant sur le climat, la biodiversité, la qualité de l’air, les questions de santés publiques, nous avons créé l’association loi 1901 « Artivistes-atelier ». Elle ambitionne de réellement (re)donner la parole aux citoyens et de construire un nouvel espace de démocratie participative tout en proposant une expertise sociale d’un territoire aux décisionnaires par les entrées culturelle et artistique. L’Atelier Climatique Citoyen s’inscrit donc dans le cadre de l’association en étroite collaboration avec le monde de la recherche et le GDR CNRS PARCS.

Ce dispositif est encore dans sa phase initiale de construction. Cet article présente donc un work in progress et à des fins de clarté son schéma opérationnel sur le terrain.

Pour résumer, le dispositif se divise en plusieurs étapes :

 

Phase préparatoire :

Objectifs : (1) générer une dynamique citoyenne et (2) établir un pré-diagnostique des besoins locaux

Cette phase est essentielle au bon déroulement du dispositif. Elle vise à établir un pré-diagnostique des spécificités locales. Il s’agit de construire une expertise et de dynamiser le territoire ciblé par la mise en synergie de tout un ensemble d’acteurs (artisans, commerçants, entrepreneurs, associations, maison de quartier, conseil citoyen, etc.). L’objectif est de constituer un groupe de volontaires

Cette phase nécessite de plus un travail transversal avec les acteurs de l’éducation dans les écoles en collaboration avec les enseignants sur les temps d’activité périscolaire (TAP) quand cela est possible. Au-delà des aspects éducatifs, l’implication des jeunes générations permet de créer du liant avec l’ensemble des acteurs et accroit la dynamique générée. L’approche de la thématique choisie s’effectue par un travail croisant les arts plastiques et une démarche d’investigation sur, ce qu’il est commun d’appeler dans le champ des sciences de l’éducation, une question scientifique socialement vive (Simmoneau, 2003). Les enfants sont invités à participer le jour J tout en présentant leur travail sous forme de réalisation artistique.

Ce double travail permet d’une part de co-construire l’évènement et d’autre une mise en cohérence de l’action et de la dynamique générée. Elle permet d’assurer a minima le jour J la dynamique nécessaire afin de permettre une mobilisation massive lors de l’évènement.

 

L’évènement :

Objectifs : (3) cartographier les attentes citoyennes, (4) générer un groupe de pilotage multi-acteurs et (4) formaliser l’ébauche d’une feuille de route d’actions.

Concrètement, des ateliers participatifs et des happenings artistiques (sous différentes formes) sont mis en place dans un quartier ou sur un territoire ciblé (commune urbaine, péri urbaine, rurale). Le périmètre d’action est modulable, l’expérience nous a conduit à opérer sur environ 1 km de parcours enrubanné.

Les œuvres d’art monumentales (entre 8 et 15 m de haut sur 4 à 8 m de large) conduisent à un cœur événementiel : un « village Artivistes » au sein duquel les acteurs et passants peuvent prendre part à des ateliers participatifs plus ou moins autonomes et à chaque fois thématisés et créés sur mesure pour le thème abordé et/ou le territoire ciblé.

Des outils participatifs et créatifs permettent la récolte de données, de représentations sociales : (1) Un outil de type « arbre à palabres » est mis en place au centre du périmètre et est thématisé pour la journée. Ainsi est créé un espace de libres échanges et de palabres dynamisant les interactions entre les citoyens. (2) Un mur neutre est proposé aux passants pour permettre la libre expression à la manière des artistes mobilisés, sur les thématiques qu’ils ont pu développer lors de l’atelier type « arbre à palabres ». (3) Sur le trottoir, élaboré en amont avec une facilitatrice graphique, un visuel est créé pour interpeler et interroger les passants. Chacun peut alors s’il le souhaite y inscrire à même le trottoir ses réponses, idées, réflexions et représentations. (4) La rétroprojection « mon œil » permet de diffuser les photos et vidéos des passants et participants de cette journée. (5) Un atelier d’expression est créé à chaque occasion en fonction du territoire et de la thématique pour servir de base aux ateliers multi acteurs qui succèdent à cet événement de mobilisation et de récolte de données.

 

Phase d’opérationnalisation :

Objectifs : (5) Conduite du groupe de pilotage qui (6) analyse la faisabilité et l’efficacité sociale et environnementale des actions proposées, (7) construit des indicateurs d’efficacité et un guide des actions à entreprendre ou des politiques publiques à mener.

A ce stade de développement, le dispositif n’est pas encore passé à la phase d’opérationnalisation des attentes citoyennes. Plusieurs projets sont en phase de construction et à des stades plus ou moins avancés.

Les trois phases définissent le modus operandi du dispositif qui peut être synthétisé par le schéma ci-dessous.

 

 

 

  1. Objet et question de recherche

 

  1. Le dispositif porte sur la gouvernance environnementale et climatique.

La force du projet est d’intégrer le regard analytique de la recherche : chaque action devenant un révélateur au sens photographique des évolutions du régime démocratique. Résolument réflexif le dispositif interroge en permanence la tension éthique entre la volonté permanente d’accompagner le changement social sur les questions socio-environnementales avec la volonté d’être ni prescriptif, ni normatif. Ainsi en interrogeant réflexivement la portée sociale du dispositif et son intégration au niveau institutionnel dans les politiques publiques des collectivités (à plusieurs niveaux d’échelles), il est possible de construire un marqueur pertinent des évolutions des modes de gouvernance démocratique. Le dispositif permet de construire en outre un regard critique et réflexif plus général sur la démocratie dite participative. Le dispositif L’Atelier Climatique Citoyen agit comme un kaléidoscope social et politique sur un territoire relativement à des enjeux de politiques publiques, plus spécifiquement sur le climat.

De manière générale le dispositif interroge les tentatives de remettre le politique au cœur du débat public. En ce sens la force et les limites du projet de L’Atelier Climatique Citoyen est d’avoir comme objet le dispositif en lui-même. Il représente donc un artefact et malgré sa portée résolument réflexive, il ne soustrait pas aux nombreux biais inhérents à son déploiement. Il existe donc un risque de dérive d’indigénisation important restant difficile à interroger.

 

  1. Trois questions de recherche centrales

Parmi l’ensemble des questions de recherche que soulève cette problématique, le projet n’en retient qu’un petit catalogue. Prises sous une approche pragmatique, ces interrogations seront affinées, discriminées et réorientées au fil du terrain et de l’expérience menée. L’originalité de l’approche consiste à prendre le dispositif, L’Atelier Climatique Citoyen comme objet d’étude, c’est-à-dire comme un marqueur des difficultés à mettre en place des politiques publiques efficaces à l’échelle des territoires. Sur le plan de la recherche ce parti pris méthodologique s’appuie sur notre expertise territoriale et pose tout un ensemble de problèmes et de biais interrogés autant que faire se peut par une démarche résolument réflexive. Dispositif pilote il ambitionne d’être reproduit sur d’autres territoires.

Pour l’heure, nous pouvons mettre en avant trois entrées qui nous paraissent pertinentes prises pour tester le dispositif : dynamiser / mobiliser/ accompagner. Ces trois entrées seront ensuite analysées à travers la construction d’indicateur dont la pertinence sera testée lors des ateliers participatifs. Parmi l’ensemble des questions soulevées afin de limiter autant que faire se peut, les problèmes énoncés précédemment, le projet se concentre sur quatre questions :

  • (1) Quels sont les apports et les limites du dispositif Atelier Climatique Citoyen concernant la mobilisation et l’appropriation citoyenne dans la mise en application des politiques publiques climatiques sur un territoire ?
  • (1 bis) Quels sont les indicateurs pertinents pour évaluer la mobilisation et l’appropriation citoyenne ?
  • (2) Quels sont les avantages et les limites du dispositif Atelier Climatique Citoyen dans l’application et l’accompagnement des politiques climatiques ?
  • (2 bis) Quels sont les indicateurs pertinents pour évaluer l’efficacité des actions conduites ?
  • (2 ter) Comment la dynamique des groupes multi-acteurs agit-elle en retour sur les autres acteurs par boucles de rétroactions ?
  • (3) Quels sont les freins et les leviers de mise en application de l’accord de Paris en regard du mille-feuille institutionnel ?
  • (3 bis) Quels sont les actions permettant de dépasser les leviers identifiés ?

 

 

  1. Outillage analytique du dispositif

De façon générale, notre projet de Recherche Action s’appuie sur un ensemble de champs théoriques que nous mobilisons au besoin de notre investigation et en fonction des logiques de notre terrain. Afin d’interroger les attentes citoyennes et plus largement les croyances et les théories socialement partagées sur les problématiques socio environnementales sont mobilisés les travaux de Serge Moscovici (1961), de Denise Jodelet (1989) et ceux de Patrick Perretti-Watel et Béatrice Hammer (2006) plus particulièrement sur les représentations profanes de l’effet de serre.

Le projet s’inscrit dans le cadre général de l’évolution des rapports sciences-sociétés et des difficultés de régulation des décisions publiques en situation d’incertitude (Callon, Lascoumes, Barthe, 2009). Les ateliers sont en ce sens considérés comme des espace ouverts ou forums hybrides suivant la dénomination dans lesquels des groupes d’acteurs par la mobilisation pour débattre des choix techniques qui engagent. Les modalités de régulation des politiques publiques sont considérées à partir de la notion globale de gouvernance climatique c’est-à-dire de gouverner en l’absence de gouvernement. La transformation des modes de gouvernement est considérée en tant que principe normatif d’action pour désigner des principes et des méthodes standards pour une « bonne gouvernance » des problèmes publics et comme rhétorique du débat politique et l’action publique (Le Galès, 1995) ou le développement territorial et environnemental (Theys, 2002). Bien que de nombreux travaux aient pointé les limites d’une approche globalisante thématisé sous le concept de modernité réflexive (Beck, 2001 [1986]), l’approche du débat vis-à-vis des formes émergentes de démocraties participatives (Blondiaux, 2008 ; 2011 ; Fourniau, 2007 ; 2011 ; Blondiaux, Foruniau, 2011) s’inscrit dans les grandes lignes des schémas Habermassien (1987 ; 1997). Les changements sociaux inhérents mettent en jeu de nombreuses catégories d’acteurs et inévitablement de différents niveaux de conflictualités. Les études ont mis en évidence la capacité de ces groupes d’acteurs à se construire des compétences suffisantes pour influencer le débat public, mais aussi accroître une demande légitime d’informations sur des sujets soumis à de fortes incertitudes. Par ailleurs, les demandes des publics concernant ces questions sont bien plus complexes et respectables que ce que présentent les arènes médiatiques (Chevigné, 2003).

La réflexivité est appréhendée sur l’ensemble des niveaux d’analyse, individuels, collectifs et institutionnels. Elle est considérée en regard des travaux de Pierre Bourdieu (2001) et plus récemment de ceux de Joëlle Le Marec (2010). La réflexivité qui est au cœur de ce projet de recherche doit être appréhendée au regard des tensions entre deux niveaux en interaction : individuel par la mobilisation de la propre normativité des acteurs et des institutions. Ce projet de recherche et de développement s’inscrit dans différents champs de la recherche ayant abordé thèmes comme celui de l’air, du climat, plus généralement celui de l’environnement en intégrant notamment le champ émergeant de la sociologie de l’énergie (Zelem, Belay, 2014).

La multiplication des dispositifs de concertation et de participation s’est imposée, répondant à des attentes, potentiellement paradoxales, de plus de démocratie et d’une meilleure efficacité en termes de gestion environnementale et sociale (Mermet, 2005; Salles, 2006).

Notre projet s’équipe de procédures et de dispositifs collaboratifs que nous présentons comme nécessaires pour fluidifier les échanges et corriger les asymétries entre acteurs, pour garantir une participation équilibrée de tous les acteurs, pour assurer une transparence de l’information, pour évaluer les résultats de l’action collective et pour exiger des acteurs qu’ils rendent des comptes sur les résultats de l’action collective (Pécaud, 2005). La dimension participative que nous déployons avec l’appui sur la Recherche Action Participative (RAP) et ce avec une proximité affichée avec le GDR CNRS PARCS et M. Jacques Chevalier (2009) représente une des composantes intrinsèques de la gouvernance environnementale (Barbier, Larrue, 2011). Plus particulièrement, concernant le climat, l’énergie ou l’environnement, les projets en Recherche Action Participative restent limités et posent de nombreux problèmes quant à la construction et l’analyse de données, la construction de savoirs à partir de ces données empiriques, les limites de l’engagement citoyen et la capacité des acteurs à s’insérer dans de réels programmes de sciences participatives (Gonzalez-Laporte, 2014) tout en respectant les positions axiologiques de chacun (Boeuf et al. 2012).

Concernant la qualité de l’air extérieur, le projet s’appuie sur le plan socio-historique des pollutions atmosphériques et des différentes pollutions et nuisances (Charvolin et al., 2015). La question de l’air y occupe une place très particulière en raison des liens étroits entre l’industrie et nos modes de vie. Il existe un déficit de connaissance persistant concernant les analyses de l’impact sanitaire en raison de la législation réglementant une politique de seuil et de normes économiquement acceptable au détriment des besoins sanitaires. C’est ce que l’on retrouve à travers l’émergence du principe ALARA («As Low As Reasonably Achievable» «Aussi bas que raisonnablement possible») dans la directive IPPC (Integrated Pollution Prevention and Control) de 1996.

 

  1. Méthodologie

Le parti pris méthodologique est pragmatique et réflexif (Cefaï, 2007 ; Chateauraynaud, 2015). Aussi le modus operandi s’adapte en ce sens en permanence aux logiques du terrain. Il ne s’agit donc pas d’exposer ici une ingénierie méthodologique trop contraignante mais de mettre en lumière le fait que celle dernière est dictée par la volonté de s’adapter au plus près du terrain. Cette culture du participatif est discutée et débattue et s’inscrit dans un équilibre évitant les écueils du tout participatif ou d’une forme de réductionnisme méthodologique limitant la portée du projet de recherche. Néanmoins, la méthodologie proposée s’inscrit dans une logique matricielle, c’est-à-dire une logique de transposition sur d’autres territoires afin de pouvoir construire des données comparatives notamment concernant les freins identifiables du mille-feuille institutionnel.

L’outillage analytique est co-construit au fur à mesure de la conduite du projet. Outre la construction de l’outillage, la recherche est complétée en fonction du terrain et des moyens de différentes modalités d’enquêtes : des observations de terrain directes, des captations vidéo et audio, des enquêtes, la tenue d’un cahier de terrain, etc.

Sur le plan général la méthodologie et les designs des ateliers participatifs reposent le Guide de la recherche action, la planification et l’évaluation participatives (Chevalier et al. 2013).

Construction de la cartographie des acteurs.

La cartographie des acteurs est construite suivant les critères classiques à l’aide d’outils simples lors des happenings artistiques et des ateliers participatifs de rue. Il s’agit d’analyser quels sont les citoyens interpellés et d’interroger grâce à la banque de donnée crée, leur représentation, leur logique d’engagement et leur capacité à s’investir de façon durable dans des projets de territoires sur la qualité de l’air.

Une caméra en plan fixe sur chaque « spot » permet de compter le nombre de personnes touchées et celles s’impliquant davantage. Il est possible ainsi d’établir un ratio de capacité à mobiliser.

Les personnes mobilisées, de celles prêtes à s’investir dans une démarche ponctuelle et du ratio de la capacité à réellement mobiliser est conduite de façon systématique par un opérateur spécifiquement dédié à cette tache lors des happenings artistiques. L’opérateur demande aux personnes de remplir une fiche indiquant tout un ensemble de critères classiques (adresse, âge, sexe, profession, intérêt) ou relève simplement leur numéro de téléphone ou email pour pouvoir ensuite communiquer avec eux.

 

Cartographie des représentations et attentes

A l’aide des ateliers de rues décrits précédemment, il s’agit d’analyser les représentations des personnes mobilisées. A des fins comparatives, le design en fonction des lieux peut être modifié mais doit in fine analyser certains points clés. Pour cela, l’enquête est une hybridation des travaux effectués pour le compte de l’ADEME et d’ajout portant sur des éléments d’ordre politique. Les détails des ateliers de rue seront explicités lors de la restitution des premiers résultats.

 

Cartographie des actions

Lors des journées dans la rue, un atelier participatif permet de créer une première ébauche des actions à mener. Le design repose sur la méthodologie du graph cartésien et des groupes de familles. Chaque personne formalise ses propositions d’actions et se positionne suivant sa propre représentation sur sa capacité d’action et la faisabilité des actions proposées. Ce premier atelier permet de dresser un pré-cadrage de la feuille de route des actions à venir.

 

Constitution du groupe multi-acteurs

Toujours lors des journées à venir, les citoyens sont invités s’ils le souhaitent à proposer leur participation à la construction du groupe multi-acteurs visant à créer les indicateurs et accompagner la construction de la feuille de route et le pilotage des actions à venir. En fonction du nombre de personnes intéressées, il est possible de créer plusieurs groupes suivant la technique des focus group. Suivant cette méthode, ces groupes tests de 15 à 20 personnes répondant à des critères socioprofessionnels représentatifs des acteurs sur le territoire sont amenés ensuite à prolonger les discussions sur les thématiques en cours. La première étape vise notamment à questionner les représentations en se focalisant ensuite sur : « qu’est-ce qu’une bonne politique » pour vous en interrogeant le biais normatif d’une bonne politique plus que l’approche par son efficacité. A ce titre, cette méthode prévoit de « shunter » les leaders d’opinions et autres porteurs de cause afin d’ouvrir autant que faire se peut le champ comparatif de l’analyse.

Les autres catégories d’acteurs comme par exemple les élus viennent se greffer a posteriori. La conduite du groupe se fait en cherchant à aplanir autant que faire se peut les rapports de force symbolique à l’aide de techniques simples, chaque participant étant tutoyé et appelé par son prénom. Des travaux de groupes hors contexte sont effectués comme des moments de pause café et repas nécessitant la collaboration de toutes et tous, ou encore la mise en place de la salle de réunion, le branchement de l’ordinateur et d’un vidéo projecteur. Ces moments d’échange informels permettent de favoriser les interactions et potentialise les effets de la construction intersubjective du groupe formé.

 

Construction des indicateurs

La construction d’indicateurs se fait à partir des forums d’acteurs que nous appelons ici « collèges » en visant la recherche de consensus sur la représentation de l’indicateur. Le parti pris méthodologique est d’essayer d’aborder ce qui est occulté par les acteurs et ce qui prime dans la représentation de l’indicateur. L’implicite et l’explicite sont appréhendés dans une matrice commune et aborde les aspects controversés de l’indicateur. L’analyse de la mise en tension entre le registre législatif, c’est à dire les aspects réglementaires induits par des textes de lois notamment et les représentations d’acteurs dont la volonté d’action, d’engagement et de dénonciation est ainsi mise au jour.

La construction des indicateurs et leur pertinence est abordée conjointement à partir des indicateurs existants (réglementaires, corpus de textes …), sur leur praxis c’est-à-dire sur la manière dont ces indicateurs sont utilisés dans les politiques publiques et la réappropriation par l’ensemble des acteurs. Ce type de méthodologie offre aux participants la possibilité de questionner, de confronter et de modifier leur propre représentation des éléments relatifs la qualité de l’air afin de faciliter les politiques publiques associées. Sans chercher à opérationnaliser de façon systématique la méthodologie, elle s’inscrit dans le cadre du schéma directeur ci-dessous, tout en opérant des boucles réflexives sur l’ensemble des étapes afin d’affiner autant que faire se peut l’efficacité des politiques publiques qui passe par la construction et l’évaluation de tout un ensemble d’indicateurs.

Cette méthodologie s’inscrit dans une démarche de diagnostic partagé visant à questionner les implicites le plus souvent, de « valeurs » relatives à la place que les différentes parties prenantes doivent prendre dans la démarche ainsi qu’à celle de l’expertise technique et de l’animation. Elles sont le reflet des objectifs et des acteurs impliqués en amont et elles induisent fortement les résultats en aval. Choisir une démarche de diagnostic n’est ainsi pas anodin. Il en résulte, qu’au moment de ce choix, il est très important pour les différentes parties prenantes de s’accorder sur le sens donné au concept d’efficacité des politiques publiques sur la qualité de l’air. Cela nécessite de prendre le temps d’identifier les interlocuteurs à impliquer dans le diagnostic et, ensuite, de discuter collectivement de la méthode à développer.

 

Reproductibilité

A des fins de comparaison, le même type d’action avec les mêmes modalités méthodologiques est mené dans un espace géographique socialement différent Il s’agit de constituer un point d’ancrage comparatif et interroger les représentations et les logiques d’engagement sous-jacentes. Aussi la méthode consiste à co construire un maillage territorial constant comme par exemple celui des Métropoles ou des communautés de communes.

De façon complémentaire, la méthodologie envisage d’« externaliser » l’analyse par des méthodes classiques d’enquêtes. Il s’agit d’effectuer auprès des acteurs des entretiens ouverts afin de questionner leur représentation et leur attente vis-à-vis de problématiques comme par exemple cette alliant qualité de l’air, santé et climat.

 

 

Conclusion : premiers résultats et discussion

 

Premier constat majeur, les retours des premières expériences sur ce projet pilote sur l’accompagnement des politiques publiques permettent de mettre en avant certains freins et leviers institutionnels et citoyens autour de l’appropriation et la mise en débat des politiques publiques sur le climat. Précisons que les résultats sont partiels et nécessitent un travail d’approfondissement avant de pouvoir tracer quelques perspectives robustes visant à construire des outils opérants d’aide et d’accompagnement des politiques publiques à l’échelle des territoires exposés. Malgré toutes les précautions nécessaires quant à la réelle efficacité de du dispositif Atelier Climatique Citoyen, il permet d’établir en première approximation un diagnostic partagé et une analyse stratégique des politiques publiques nécessitant inévitablement une évolution des habitus tant au niveau des services techniques des collectivités locales et territoriales que des élus de l’institution publique.

Les premières difficultés auxquelles se confrontent les acteurs de l’expertise et de l’accompagnement des politiques publiques sur le climat ont jailli instantanément. Au risque de la tautologie, dans la volonté d’appliquer localement les plans, directives ou grands orientations extra territoriales (comme par exemple l’Accord Paris climat), il apparait que l’articulation de nos sociétés est encore structurée autour de logiques « top down ». Cependant ce frein n’est pas forcément celui qu’il faille lever prioritairement car s’ajoute à cette logique une organisation stratifiée qui alourdit les démarches et initiatives de projets (citoyens et/ou politiques) que nous appelons le millefeuille institutionnel. Autrement-dit, aux échelles locales, les modalités de régulation des politiques publiques dichotomisées dans une multitude de services (parfois emprunts de tensions internes) limitent considérablement la lisibilité et la mise en cohérence d’actions massives. Ces contraintes inhérentes au millefeuille influant grandement la gouvernance aux échelles locales des institutions impactent tout autant les projets. Notre expérience met au jour le fait qu’il existe de façon identique les mêmes contraintes sur d’autres thématiques et au premier rang des quelles celles portant sur la reconquête de Biodiversité.

Aussi les fortes dynamiques latentes au niveau citoyen, mobilisables très facilement restent largement inexploitées. Partout où nous avons testé le dispositif à la fois sur le climat ou sur des thématiques comme celles sur la biodiversité, la mobilisation et la dynamique a été massive permettant une pleine appropriation citoyenne. L’efficacité du dispositif ne se limite pas à la simple effervescence mais permet une réelle appropriation des enjeux sociaux et politiques tout autant que la complexité épistémologique des mécanismes d’évolution du climat terrestre. Il est donc nécessaire à ce stade de faire fonctionner le dispositif à front renversé en l’intégrant initialement au sein des collectivités locales afin d’en potentialiser  les effets ensuite sur la facilitation des politiques publiques. A ce titre nous encourageons, voire militons afin de renforcer ces dynamiques latentes en développant des espaces sociaux de débats réflexifs et interdisciplinaires intégrant l’ensemble des acteurs de l’éducation, élèves, citoyens, politiques, personnels éducatifs, décisionnaires, chercheurs, associations. L’efficacité du dispositif repose en ce sens sur une volonté de développer une approche autant réflexive que critique visant à objectiver la prépondérance des contraintes normatives, juridiques et techniques permettant d’objectiver autant que faire se peut la subjectivité des logiques d’actions et de leur efficacité. Il apparait hautement nécessaire de s’émanciper des logiques et contraintes communicationnelles afin de questionner en profondeur les freins propres au labyrinthe interne de l’institution, aux agendas politiques et aux contraintes bureaucratiques apparaissant comme autant de facteurs limitants pour la traduction politique de l’Accord Paris Climat 2015. Force est de constater que la seule volonté des élus ne suffit pas à décloisonner suffisamment la problématique pour rendre opérationnel et efficace ce projet sur leur territoire. Aussi les résultats futurs permettront de dégager des axes de réflexion quant aux réformes territoriales visant à simplifier l’administration des politiques publiques.

 

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[1] Site Internet consultable le 02 mai 2017 sur le lien suivant : http://www.c40.org/networks

[2] Le trottoir citoyen est un outil participatif dans lequel les citoyens sont invités à exprimer directement sur des bandes adhésives à même le sol leurs questions, représentations, envies, revendications, besoin, etc.

[3] Le terme Artivistes est en fait un acronyme (Association de Redynamisation des Territoires par l’InnoVation Sociale des Transitions EnvironnementaleS) mais sans que nous le sachions était déjà balisé dans le monde du spectacle vivant. Une recherche indexée par année sur le moteur de recherche Google.fr démontre que le terme apparait sur la toile avec notamment un mouvement artistique de l’avant-garde berlinoise d’un collectif dénommé Kotti Shop. Il est possible de noter que le terme « artivistes » dans la littérature scientifique en 2010 (Bautes, 2010). A partir d’une étude dans le centre historique de Rio de Janeiro à l’aune d’initiatives tournées vers la valorisation de formes patrimoniales caractéristiques des espaces d’occupation illégale que sont les favelas. Ces mouvements relèvent à la fois d’institutions publiques et d’« artivistes », identifiés comme « des acteurs engagés dans l’exploration des nouvelles possibilités offertes par la médiatisation et la valorisation tant économique que politique de l’intervention artistique dans l’espace urbain ».

Une rencontre créative et actuelle : 10 Mai 19H30 Gazette Café

Café- Rencontre Artivistes-atelier – Gazette Café et Stephen Boucher

La créativité et politique : une affaire de costards ? de bobos? ou les deux?
Stephen Boucher auteur du « Petit manuel de créativité en politique » vous invite avec Artivistes-atelier, à l’aube de ce nouveau quinquénat à réfléchir ensemb
le à une méthode concrète au service de la révolution créative.
Rien que ça !!! Hé oui !

Diplômé de Harvard et Science Po Paris, Stephen Boucher est actuellement Directeur Général de ConsoGlobe média spécialisé dans les questions d’environnement et de démocratie pariticipative.
Nous avons eu le plaisir de créer avec ce dernier un lien privilégié et sommes ravis et honorés de vous le faire découvrir le temps d’une soirée.

Bien et mal pensants, nuit debout, ou fauteuil Addict, que soyez persuadé d’avoir raison ou non levez vous !

Venez nombreux dans une ambiance à la « Pollaco » refaire et défaire le monde de demain.

Pour plus d’informations : 

http://creativitepolitique.com 

https://www.gazettecafe.com/agenda